Au départ simple album, We Out Here s'est transformé en quelque chose de beaucoup plus grand ; une sorte de jazz ? Un événement ? Un mouvement ? Quel que soit le nom que vous voudrez y apposer, une chose est évidente : le premier festival We Out Here de Gilles Peterson en août prochain est le fruit d'un engouement qui a vu le jazz et les musique associées sortir de leur boîte et se répandre au grand public.
Les origines de l’album
L’album We Out Here, sorti le 9 février 2018, a été conçu selon des objectifs bien précis. Réalisé comme une sorte de guide d’introduction à la scène jazz londonienne en pleine effervescence, il se voulait tremplin pour de nouveaux artistes exaltants. Le titre évoque en grande partie ce sentiment, celui d’un monde souterrain agité et sur le point d’être remarqué. Parmi les artistes qui ont composé l’album, citons les suivants : Theon Cross, Nubya Garcia, Maisha, Ezra Collective, Moses Boyd, Shabaka Hutchings, Triforce, Kokoroko et Joe Armon-Jones.
Fidèles à cette idée d’une nouvelle communauté jazz, tant à Londres qu’en Grande-Bretagne, ces artistes se sont assurés une place dans l’affiche du festival (sauf Ezra Collective et Triforce). Le son de We Out Here est ainsi devenu une sorte de produit d’exportation, indissociable du monde britannique et londonien qui résonne entre les notes. Aidé par les écrivains et chroniqueurs, il a fait naître l’idée d’un renouveau du jazz post-américain.
En tentant de définir ce que tout cela représente, on trouve quelques facteurs unificateurs : tous les participants sont résolument multiculturels dans leur perspective, tous ont un pied dans le passé tout en regardant vers le futur, tous ne sont pas enfermés dans un genre, et jouent avec confiance, dynamisme et force. C’est cette énergie qui fait que les sessions live londoniennes ressemblent plus à des soirées club raves, avec des haut-parleurs qui vibrent et des ruissellements de sueur sur les murs.
Les artistes à surveiller de près
Theon Cross est peut-être l’artiste qui représente le mieux ce son. Joueur de tuba, il brise les préjugés en temps réel, bondit sur scène en créant des lignes de basse inconcevables. Son album Fyah a connu un succès inattendu (à quand remonte la dernière fois qu’un album où le tuba prédomine provoqua autant d’engouement ?) et a su déconstruire en temps réel les connotations associées à son instrument, montrant comment les vieux instruments du dixieland se prêtent aux sons modernes et percussifs, évoquant des genres variés, du soca au grime. Lisez notre article ci-dessous :
Shabaka Hutchings a signé chez Impulse en 2018, ce qui fait de lui le porte-voix intercontinental du son We Out Here. Il est à la tête des groupes Sons of Kemet (avec Theon Cross), ainsi que de The Comet is Coming et Shabaka and the Ancestors. Dans une éloquence évidente, son discours a conduit à la création d’un nuage de théories conceptuelles qui accompagnent sa musique comme une ombre dans les médias. The Comet is Coming sort l’album Trust in the Lifeforce of the Deep Mystery en 2019, un grand huit de jazz cosmique mettant en avant une pléiade de musiciens sur le point de concrétiser leur potentiel artistique.
Mais le succès le plus durable et le plus surprenant de l’album We Out Here est sans doute celui de Kokoroko, le groupe jazz et afrobeat de 7 ou 8 musiciens (selon les jours) à l’origine de « Abusey Junction », dernier titre le plus joué du disque. D’une certaine manière, ils ont réussi une sorte d’alchimie avec ce disque, les notes de guitare introductives semblant assez puissantes pour transporter les auditeurs dans ce havre de paie, où douleur et joie s’entrechoquent néanmoins. Bien qu’ils n’aient toujours pas sorti un album complet ensemble, le groupe Kokoroko est désormais un invité de marque, se vendant à guichets fermés à la vitesse de l’éclair. Qwest TV les a rencontrés récemment, lisez l’interview complète ici :
Des invités de marque
Ce genre de collaboration entre Brownswood Records et Worldwide FM ne manquera pas de faire venir un groupe d’artistes de toutes les générations sur la scène du Cambridgeshire en août prochain. En plus des jeunes joueurs de la scène londonienne, We Out Here accueillera de nombreuses légendes du jeu issues de plusieurs continents. Cet évènement semble suivre la direction d’un mélange audacieux du jazz moderne, de la soul, du funk, du hip hop et de l’électronique. Comme le suggère la description sur le site, il appartient à l’auditeur de joindre les points entre ces marqueurs de genre de plus en plus flous.
Ne manquez pas les légendes vocales américaines. Par exemple, le chanteur de jazz spirituel Dwight Trible montera sur scène aux côtés de Gary Bartz et Saul Williams, deux hommes que l’on ne présente plus, tous deux maîtres de leurs instruments respectifs (saxophoniste et magicien du spoken word) et qui entreprennent des projets de collaboration avec les leaders de demain, servant de ponts entre différentes écoles de pensée. La récente participation de Saul Williams sur Ancestral Recall de Christian Scott vaut notamment le détour.
Lee Fields participera lui aussi au festival We Out Here, un événement auquel les connaisseurs se préparent. Véritable parrain de la soul, Fields chante depuis plus d’un demi-siècle. Depuis la soi-disant renaissance de la soul au début des années 2000, le son de Fields a mûri. Enraciné dans l’amour et la foi, la musique qu’il produit résonne plus que jamais en cette fin de carrière. Fields a été l’invité du mois de Qwest TV en 2019 et il s’est entretenu avec nous pour l’une de ses interviews les plus révélatrices de sa carrière. Lisez-la ici :
Hailu Mergia est également un artiste chevronné ayant connu un tournant au cours des dernières années. Il passe de vedette du Swingin’ Addis-Abeba à chauffeur de taxi à Washington, toujours le clavier rangé dans son coffre. Depuis qu’il a réédité avec succès Awesome Tapes from Africa, Mergia a pu repartir en tournée, suivi par des fans dont il n’avait pas conscience. Grâce à cet épisode et à bien d’autres, c’est une biographie qui saura intéresser les mélomanes, mais aussi les consommateurs de culture et d’histoire en général. Au cours d’une conversation éclairante, il se livre à Qwest TV.
Gilles Peterson
Le DJ, diffuseur et patron de label est au cœur de ce projet qui vise à faire tomber les barrières et à rassembler les passionnés de musique dans un environnement ouvert et inclusif. « Je voulais vraiment apporter au Royaume-Uni un festival qui célèbre des éléments de la culture du club et de la communauté qui l’entoure, dont j’ai eu la chance de faire partie au fil des ans. »
La dynamique est de son côté et les débuts d’une époque significative sont palpables. Bien que We Out Here 2019 soit la première édition de l’événement, il est fort probable que l’évènement continue.
*Qwest TV y filmera les concerts et le festival. Retrouvez prochainement ces contenus sur notre plateforme.
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