Compte tenu de son catalogue doré, India Navigation était un label dans lequel on pouvait « acheter à l’aveugle » sans parfois connaître un artiste en particulier sur sa liste. Alan Braufman en est un très bon exemple. Les informations sont rares et précieuses au sujet de ce musicien aux anches multiples, mais ce qui est le plus intéressant, c’est qu’il fit partie, au moins pour un court moment, d’une cohorte de New-Yorkais qui se réunissaient diligemment au 501 Canal Street, devenu un épicentre du Lower West Side, dans un bâtiment envahi par les étudiants de Berklee qui pouvaient se permettre ce loyer dans une ville qui n’avait pas encore subi l’irrépressible vague moderne et anti-artiste de la gentrification. Soutenu par le pianiste Coopermoore, le batteur David Lee, le percussionniste Ralph Williams et le contrebassiste Cecil McBee, Braufman réalisa cet enregistrement en 1975, et sa remastérisation et sa réédition justifient amplement le statut culte qu’il a acquis au fil des ans. Le groupe produit une musique tout aussi tendue, robuste et enflammée, en comparaison des collègues de label de Braufman les plus connus – pensez à Arthur Blythe, Pharoah Sanders ou David Murray – et pourtant le leadeur est d’une présence hautement impressionnante, que ce soit au saxophone alto, à la flûte, ou à la hornepipe, peu commune.
Il est en phase avec une génération de joueurs qui sont restés fidèles aux sons acoustiques, post-Coltrane, tandis que beaucoup de leurs pairs sont allés vers la fusion. Acoustique, il l’est sans doute, mais Valley produit néanmoins une quantité non-négligeable d’électricité saisissante et crépitante.
Alan Braufman, Valley of Search (India Navigation, 2018)