« Une des grandes volontés, dans ma vie, a toujours été de lancer un projet où mes chansons soient interprétées en mode plus acoustique. Ce moment est enfin arrivé. » Petites histoires des classiques qui figurent dans A Festa, son nouvel EP.

Sur A Festa Milton Nascimento déploie une voix toujours douce et forte comme le bois, éternellement marquée par son accent du Minas Gerais. Le chanteur septuagénaire s’y montre d’autant plus poignant qu’il est seulement accompagné par Wilson Lopes, son fidèle guitariste depuis 1993 et actuel directeur musical de ses formations. Outre un inédit, « A Festa », cinq standards y gagnent des versions dépouillées, témoignant du génie mélodique et de la force poétique du Brésilien : « O Cio da Terra », « Maria Maria », « Beco do Mota », « Cuitelinho » et « Canção da América », dont la délicatesse cache des considérations tantôt sociales ou politiques.

« O Cio da Terra »

En 1977, Milton Nascimento et Chico Buarque, qui ont déjà interprété « O que será ? » en duo sur le précédent album du Mineiro, Geraes (1976), collaborent sur deux compositions pour célébrer le Premier mai. Nous sommes encore en pleine dictature et les cortèges syndicaux sont menés par un jeune métallurgiste du nom de Lula, futur président de la République. Derrière « Primeiro de Maio » en face A du single de Milton & Chico, la face B a pour titre « O Cio da Terra ». Une « chanson de travail agricole », comme la qualifiera Chico Buarque, avec des paroles qui disent : « Caresser la terre / Connaître les désirs de la terre / Chaleur de la terre, saison propice / Et féconder le sol. » La ruralité exhibée comme un acte de résistance, et ce n’est pas un hasard si Chico et Milton invitèrent le percussionniste Naná Vasconcelos, incarnation musicale du Nordeste, dont Lula est originaire.

« Maria Maria »

Milton célèbre en 2018 les 40 ans de « Maria Maria », un titre emblématique apparu en 1978 sur l’album Clube da Esquina 2. Initialement écrite avec le poète Fernando Brant (décédé en 2015) pour un spectacle de la compagnie de danse et de théâtre Grupo Corpo, la chanson est devenue (comme « Idolatrada ») un symbole féministe en exaltant la force et le courage de Maria, qui a réellement existé. Elle était sans le sou, vivait au bord d’une voie ferrée, et elle s’est battue, dans l’adversité, pour que ses trois enfants puissent suivre des études. L’anniversaire de la chanson a correspondu avec le mouvement « Ele não », impulsé par de nombreuses Brésiliennes qui redoutaient qu’un candidat misogyne, Jair Bolsonaro, accède à la présidence de la République. Le moment était venu pour Milton de réaffirmer le message de « Maria Maria », en dotant cette version acoustique d’un clip dans lequel apparaissent plusieurs actrices brésiliennes célèbres.

« Beco do Mota »

Liés à Belo Horizonte, Milton Nascimento et le Clube da Esquina ont souvent parcouru les 300 km conduisant à Diamantina, la cité historique du Minas Gerais dont l’ancien président Juscelino Kubitschek, est originaire. Milton et Fernando Brant le connaissent. A la fin des années 1960, leur période la plus politique, ils ont interprété pour lui « Beco do Mota ». Cette chanson porte le nom d’une ruelle de Diamantina concentrant les marginaux et les prostituées, à deux pas de la cathédrale, jusqu’à ce qu’ils soient délogés par un archevêque réactionnaire. Kubitschek, alors persécuté par la dictature militaire, a tout de suite compris le double sens des paroles : « Diamantina est le Beco do Mota / le Minas Gerais est le Beco do Mota / le Brésil est le Beco do Mota. » Mais la censure n’y a vu que du feu et « Beco do Mota » figure sur le superbe Milton Nascimento (1969).

« Cuitelinho »

Le cuitelinho est un autre nom pour le beija-flor (« baise-fleur »), le colibri des biotopes américains. « Je suis arrivé près du port / Où les vagues se répandent / Les hérons font demi-tour / Et s’assoient au bord de la plage / Et le colibri n’aime pas / Que le bouton de rose tombe », dit cette chanson du folklore populaire du Mato Grosso, qui évoque la saudade d’un soldat brésilien durant la guerre du Paraguay, au XIXe siècle. Paul Vanzolini l’a fixée en lui ajoutant une dernière strophe, après qu’elle lui fut rapportée par son ami Antônio Carlos Xandó, lui-même l’ayant recueillie auprès d’une vieux pêcheur du río Paraná. Chanté notamment par Nara Leão et Renato Teixeira, le « Cuitelinho » s’est posé dans le répertoire des concerts de Milton au début des années 1980… et il n’en est plus reparti.

« Canção da América »

Apparue sur Sentinela en 1980, composée par Milton Nascimento sur un texte de Fernando Brant, « Canção da América » figurait déjà en version anglaise (« Unencounter ») sur l’album Journey To Down, en 1979. Dédiée par Milton au musicien sud-africain Ricky Fataar, la chanson se présente comme un hymne à l’amitié : « Un ami doit être conservé / Sous sept cadenas / Dans le cœur / Ainsi parlait cette chanson / Que j’ai entendu en Amérique / Mais celui qui chantait pleurait / De voir son ami partir. » « Canção da América » est devenue un standard brésilien dont de nombreuses versions ont été gravées, par Elis Regina notamment. Mais c’est bien celle de Milton Nascimento qui fut jouée, en 1994, lors des obsèques d’Ayrton Senna après son accident de Formule 1.

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