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L’interprète de la célèbre « Misa Criolla » qui a popularisé le charango dans le monde s’est éteint ce 24 décembre à l’âge de 80 ans.

Le son unique de cet instrument à cordes andin a résonné pour la dernière fois dans les mains du virtuose en cette veille de Noël 2018. Depuis, toutes les rues de Buenos Aires vibrent au son du maestro, faisant résonner l’appel de sa fille Soledad Torres dans les pages du quotidien local Clarin : « Aujourd’hui, nous devons penser à lui et continuer à écouter le son de son charango ». Ainsi sa musique restera-t-elle en vie.

Fils d’émigrés boliviens, Jaime Torres est né à San Miguel de Tucumán au nord de l’Argentine.
 C’était à l’époque du « boom du Folklore » qui débuta dans les années 50 : une période où la musique devint un élément majeur du nouveau visage de l’argentine. Le pays était alors en plein essor, avec une société de consommation qui se dessinait, entre urbanisation, immigration et brassage culturel. Jaime Torres, lui, grandit dans l’effervescence musicale du festival des Neuf Lunes qui fut, près de Cordoba, la Mecque de ces nouvelles musiques (chamamé, chacarera, zamba, carnavalito, takirari…) avant qu’elles ne gagnent la capitale. Dès l’âge de 5 ans, Jaime Torres fut initié au Charango par son maître, l’artiste bolivien emblématique Mauro Núñez. D’élève à élu, Jaime devint, sa vie durant, le messager de cette culture Quechua aux quatre coins du globe muni de cette petite guitare à cinq doubles cordes nommée charango, iconique de la cordillère des Andes mais héritée de la vihuela des conquistadores espagnols.

 

 

Avec le regain des cultures afro-amérindiennes, Jaime intégra la « compañía de folclore » du fameux compositeur argentin Ariel Ramírez. Heureuse rencontre qui mena à un moment charnière dans le paysage musical argentin. En 1964, Ariel Ramirez, le poète Felix Luna, le groupe Los Fronterizos, le percussionniste Domingo Cura et Jaime Torres réinterprétèrent une messe dans une version folklorique métissée : la « Misa Criolla ». Forte de ce retentissement, la carrière de Jaime Torres connut un bouleversement, amenant le musicien à devenir, peu à peu, le porte parole du charango dans le monde. De la cérémonie d’ouverture de la coupe du monde de football de 1974, en Allemagne, aux nombreuses musiques de films ; du prestigieux Teatro Colon de Buenos Aires, en passant par le Philharmonique de Berlin, le Lincoln Center ou le October Hall of Leningrad, Jaime Torres mit beaucoup de ferveur et de dignité dans son art.

Parcourant le monde, il n’oublia jamais ses racines indiennes et créa dès 1973 le centre culturel de Tantanakuy, (« rencontre » en langue quechua), consacré à la préservation et à la transmission des arts traditionnels. Conservant sa culture ancestrale, Jaime Torres ne se ferma jamais au monde dans lequel il vivait, navigant, par exemple, dans un croisement de folk argentin et d’électronique dans le projet hybride, Electroplano, en 2007. Comme un Hermeto Pascoal version Quechua, Jaime Torres partit du charango pour expérimenter vers le jazz et les musiques improvisées, enregistrant avec le percussionniste Minino Garay et le flûtiste Magic Malik l’une de ses œuvres les plus singulières : Altiplano.

Son charango fut à l’image de la « Kichiwa », cette plante immortelle des Andes résistant même aux pesticides. Ni la dictature, ni le capitalisme n’auront eu raison de la musique de Jaime. Elle était comme lui, ancrée dans Pachamama, visionnaire et séduisante.

 


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