Avec la réédition d'Azymuth Demos 1973-75 et Águia Não Come Mosca, c'est le culte du groupe brésilien Azymuth qui est célébré par les labels Far Out Recordings et Mr Bongo !
Aucun groupe de jazz brésilien ne représente mieux l’après bossa nova que Azymuth. Le trio a tracé une route nouvelle et audacieuse qui a totalement dépouillé les accents élémentaires de la Musique Populaire Brésilienne (MPB) : samba, jazz et rock.
Ivan “Mamão” Conti et Alex Malheiros ont survécu au décès de José Roberto Bertrami, membre fondateur et magicien des claviers, en 2012. Ils poursuivent les plus de 40 ans d’aventure pionnière de leur jazz funk brésilien innovant avec le relativement plus jeune samourai des claviers : Kiko Coontinentinho. Fenix, leur dernier album sur le label britannique Far Out Records, sorti en 2016, témoigne de leur longévité et de leur pertinence, est composé d’un ensemble de morceaux sans âge qui résonnent autant chez les fans de jazz fusion que de funk !
Azymuth Demos 1973-75
Avec la sortie récente (également sur Far Out) de Azymuth Demos 1973-75, nous pouvons observer le groupe influent dans sa phase de formation traversant plusieurs âges d’or. Entre 1969 et 1973, pendant près de quatre ans, ces trois jeunes musiciens, tous nés en 1946, ont commencé à travailler ensemble, parfois en duo, parfois en trio, parfois en tant que musiciens au sein d’une session plus large. Ce qui est devenu évident, c’est que la somme de leurs parties était inévitable : leur facilité d’interaction, leur appréciation commune des fondements de la musique brésilienne qui ne les empêchait pas de se tourner vers d’autres horizons musicaux. Après avoir passé du temps chez Bertrami, après avoir accompagné des musiciens en tournée et participé à de nombreuses sessions d’enregistrement au profit d’autres artistes pendant plusieurs années, le trio a commencé à enregistrer par lui-même sous divers noms : Apollo IV, Bertrami e Conjunto Azimute, Grupo Seleção, The Hot Stuff Band, puis enfin Azimüth (jusqu’à ce qu’ils soient forcés de le changer à cause d’un autre groupe européen qui portait le même nom).
Les 16 titres de Azymuth Demos 1973-75 montrent le cheminement du groupe vers sa sonorité, avec un empreinte déjà unique dans un champ musical pourtant déjà très diversifié dans le Brésil des années 70. Des chansons comme « Castelo » et « Laranjeiras » auraient facilement pu atterrir sur leur premier album. Les versions alternatives de « Manha » et « Melô da Cuíca » sont éclairantes et « Equipe ’68 » est totalement en retrait, à l’instar de leur disque actuel. Dans cette expérience avant-gardiste jazz-funk, Bertrami donne tout. Pour les fans des Head Hunters de Herbie Hancock, de Bob James et de Placebo (le groupe belge de jazz funk), ces morceaux découverts récemment sont fantastiques. Ce jeune groupe était sur le point de définir un son unique, le « Samba Doido » (« Crazy Samba »). L’ensemble semble plus abouti que ne le suggère le titre (« démos »), mais est en même temps une compilation qui manque de la cohérence d’un bon album studio.
Águia Não Come Mosca
Leur premier album, l’éponyme Azimüth, est sorti en 1975, suivi par Águia Não Come Mosca en 1977 sur le label américain Atlantic Records qui avait tout juste ouvert ses portes au Brésil. Sous la direction de André Midani, l’ancien chef de Philips/Polydor, la branche brésilienne du célèbre label r&b, jazz et soul de New York City s’est rapidement positionné pour capter le public du Black Rio (scène brésilienne du funk et de la soul), signant Disco Club, l’album à succès de Tim Maia , et le premier album de Banda Black Rio, Maria Fumaça : les deux eurent un succès monstre. À titre de comparaison, Águia Não Come Mosca et leur hit « Vôo Sobre o Horizonte », utilisé par la télénovela Locomotivas en 1977, ne connut finalement qu’un succès modeste.
Toutes les pochettes d’album d’Azymuth furent frappantes, même au cours des années quatre-vingt. L’esthétique visuelle du groupe a toujours été aussi audacieuse qu’unique, tout comme leur musique. La pochette de l’album d’Águia Não Come Mosca, récemment réédité par le label Mr. Bongo, ne fait pas exception à la règle, avec son nom en typographie proto-métal et un aigle emblématique devant un soleil éclipsé, tenant un plateau d’orbes. Pas grand chose. Musicalement, l’album est une évolution notable de leurs débuts de fusion jazz-rock-samba, plus légers sur la samba et plus lourds sur les arrangements et les styles rock. Avec Águia, on retrouve le groupe engagé dans la définition de leur musique : le samba doido ou « samba folle ».
Sur des morceaux comme « Circo Marimbond o », « Tamborim, Cuíca, Ganzá, Berimbau », « A Presa » et « Águia Negra X Dragão Negro », la samba est la fondation, à laquelle le trio ajoute de l’improvisation jazz, des mouvements rock et funk. Bien que le trio puisse faire plus de bruit que trois personnes, il est vrai qu’il ajoute quelques éléments à la post production : de la guitare sur certains morceaux (Alex Malheiros ou Paulinho Guitarra du groupe de Tim Maia), des percussions supplémentaires et de nombreux effets de studio tels que l’écho et la réverbération pour leur donner cette ambiance de bossa nova sur un morceau rêveur comme « Vôo Sobre O Horizonte ».
Le changement de l’orthographe actuelle et durable de Azymuth avec Águia indique également que le trio adopte un style, sa samba folle angulaire, funky et futuriste. L’album suivant, Light As a Feather, sera enregistré pour un poids lourd des labels de jazz américain Milestone, ce qui reste un saut rare pour un groupe brésilien. Le groupe a sorti dix albums dans leur très désirable parcours pour Milestone, avec un autre pour le chanteur de jazz brésilophile Mark Murphy.
Plus que tout autre musicien brésilien, ce trio a repoussé les limites de sa samba bien-aimée sur la scène internationale, mais toujours avec une forte dose de jazz. Comme l’a expliqué Mamão, ils se sont tous réunis autour d’une appréciation des mêmes musiciens de jazz américains, avec un penchant particulier pour Bill Evans, et une petite attirance pour le rock. « Nous aimons les mêmes musiciens et les mêmes groupes », se souvient Mamão. Cette fondation leur a permis d’explorer leur propre contexte musical avec un palais musical partagé. C’est à la fin des années 60 et le début des années 70 que le groupe s’est formé. Mamão résume : « Nos racines en tant que groupe brésilien sont principalement la samba, le jazz et le rock. »
Voir aussi :