Exotisme et excentrisme. Voilà les mots qui pourraient aussi bien qualifier l’album Order of Nothingness que l’artiste multidisciplinaire qui en est à l’origine, Jimi Tenor.

Flûtiste, claviériste ou saxophoniste, ce Finlandais de 53 ans est un phénomène musical qui anime la scène électronique et l’électro-pop finlandais depuis les années 90 et son « Take me baby », succès de l’album Sahkomies de 1994, qui l’a véritablement révélé au grand public. Son œuvre globale semble plus ou moins régie par une dérision artistique qui rend Jimi Tenor difficilement comparable à d’autres artistes.

Album aux accents intemporels, Order of Nothingness, que Tenor caractérise lui-même de « post-punk des années 70 » nous fait joyeusement voyager. Aux sons électroniques que Jimi Tenor affectionne tant, se couple le choix d’équipements historiques, datant des années 50-60, qui « sonnent plutôt neuf ». Pas étonnant que cet album nous donne l’impression de pouvoir être écouté à différentes époques. Du son funk des claviers de « Chupa Chups » à la voix perchée et familière de « Mysteria », en passant par le psychédélique « Tropical Eel », cet album est aussi complet que raffiné.

L’ensemble inspire l’exotisme et nous donne le goût d’une boisson sucrée. Les lignes mélodiques simples et décalées semblent déjà exister en nous et sonnent comme des vieilles amies dès la première écoute. Un secret que Jimi Tenor explique par sa relation à l’improvisation : « J’improvise autant que possible, mais je parviens quand même à jouer des chansons que les gens peuvent reconnaître. Je les choisis parce qu’elles sont dans ma tête. C’est environ 60 ou 70 % d’improvisation. »

Ces libertés mélodiques extravagantes proches du free ne prendraient peut-être pas vie sans des influences contemporaines desquelles Jimi Tenor ne se cache pas : « Je n’ai pas peur d’utiliser des musiques classiques contemporaines. J’aime beaucoup Olivier Messiaen, sa façon de changer d’accords, et pas mal de ses pièces. Cela me rappelle la musique électronique, et des techniques que j’utilise moi aussi. » D’autres inspirations musicales ont également construit son univers : le pianiste Sun Ra pour sa « liberté disciplinée », le saxophoniste new-yorkais James White pour sa manière excentrique de jouer du saxophone, ou encore le chanteur Fela Kuti pour son écriture.

Ce n’est pas surprenant que le label avec lequel Jimi Tenor a travaillé pour cet album sorti en juin 2018, le Philophon, soit principalement influencé par la musique africaine : la liberté cadrée que s’octroie le multi-instrumentiste Jimi Tenor, soutenu en ce sens par son producteur Max Weissenfeldt, rappelle vaguement les échos de rythmiques et chansons africaines (« Naomi Min Sumo Bo »). Sa longue collaboration avec le batteur nigérien et pionnier de l’afrobeat Tony Allen débutée avec l’album Inspiration Information en 2009, le mène également vers un terrain world qui se marie assez naturellement avec sa musique.

Fort de leurs collaborations, les deux musiciens se sont récemment retrouvés sur l’album OTO Live Party, concert que Jimi Tenor a pris plaisir à nous raconter : « C’est un concert live enregistré au Café OTO à Londres. C’est une série de synthétiseurs moog, le tout géré par Paul Smith que je connaissais de Blast First [un label créé en 1984 en AngleterreNDLR] et qui m’a présenté Tony Allen dans l’idée de mêler les synthétiseurs avec la batterie de Tony. Un ingénieur finlandais a fabriqué le système pour nous et j’ai programmé quelques séquences pour les toms de la batterie. Tony a commencé à jouer dans le studio, et tous les synthétiseurs se sont déclenchés, en faisant des sons fous  ! Tony n’en revenait pas, c’était drôle  ! Jespère que cela se sent dans le live  ! »

Jimi Tenor évolue au rythme de ses succès. Nous serions donc passés à côté du remarquable Order of Nothingness si, trois ans auparavant, le musicien déjà accompagné du batteur Ekow Alabi Savage et de Max Weissenfeldt n’avait pas débuté le projet de single « Tropical Eel », piste présente dans son nouvel album. « Nous n’étions censés faire qu’un seul single, « Tropical Eel ». Mais ayant eu de super retours, on s’est dit avec Max : faisons-en un autre  ! ».

Bien qu’il semble composer en fonction de ce qui l’anime sur le moment venu, Jimi Tenor ne nous cache pas que ses nouveaux projets suivent le chemin de ce qui a déjà marché pour eux. « Le nouvel album sur lequel nous travaillons avec Max Weissenfeldt et Ekow suivra la même recette que pour Order of Nothingness, avec les mêmes instruments. On ne voulait pas changer quoi que ce soit parce que ça semblait fonctionner  !  ». Une chose est sûre, les fans d’aujourd’hui seront ceux de demain.


Jimi Tenor, Order of Nothingness (Philophon, 2018)

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