A l'occasion de la parution de History, son nouvel album, le « roi du mbalax » et ancien Ministre de la Culture et du Tourisme au Sénégal est l'Invité du mois de Qwest TV. Il répond à nos questions.
Avez-vous une conception fluide de l’histoire ? Les points de vue peuvent-ils changer avec le temps ?
La compréhension de l’histoire peut être différente, les causes peuvent être étudiées après les drames, mais le fond je pense, reste le même, si on parle des grands drames de l’histoire comme l’esclavage, les nazis, la guerre ethnique au rwanda, les crimes contre l’humanité…
« Ceux qui ne retiennent pas les leçons de l’histoire sont condamnés à la répéter. » : qu’est-ce que vous inspire cette idée ?
C’est malheureusement vrai, pas toujours heureusement, mais le plus souvent. je pense que le devoir de mémoire et l’éducation contribuent à ne pas répéter l’histoire, c’est pour cela que l’ignorance est un fléau, et que l’éducation est la base de tout.
En 2012 vous vous présentiez à l’élection présidentielle, affirmant vouloir voir “un Sénégal” dans le futur. Pensez-vous que le pays s’en est rapproché depuis ?
Je pense que le pays évolue dans le bon sens, c’est un pays stable et nous veillons à sa stabilité, car c est l’essence même de la réussite d’un mandat. le senegal est aujourd hui un pays connecté, un pays qui va vers la modernité, à son rythme, mais surement. il y a un nouvel aéroport international, des autoroutes qui maintenant fluidifient énormément les routes nationales…
Politiquement, diriez-vous que votre musique vise davantage à réconforter les communautés ou à perturber les structures du pouvoir ?
Ma musique n’est pas un acte politique, c’est ma passion, et cette passion est née bien avant mon engouement pour la politique. Mais aujourd’ hui tout discours a un côté politisé, j’ai toujours parlé des problèmes sociaux dans mes chansons, j’ai toujours parlé des problèmes d’immigration, de travail, de chômage, d’agriculture, de pêche, de tout ce qui fait la richesse d’un pays…
Enjoignez-vous la jeunesse sénégalaise à rester au pays plutôt que de fuir en Europe ?
L’Europe n’est plus un eldorado comme elle pu l’être a un moment, aujourd’hui c ‘est un leurre de penser que d’aller en Europe va apporter la fortune dans une famille. Mais vous savez, quand un jeune risque sa vie pour aller en Europe, en sachant qu’il va peut être être arrêté ou dormir dans la rue, il le fait pour subvenir aux besoins de sa famille restée au pays, c ‘est l’unique raison lorsqu’il ne s’agit pas de fuir un pays en guerre, ce qui n est pas le cas du Sénégal. donc, bien sur, j’encourage la jeunesse à rester en Afrique et à étudier au pays ou à se donner les moyens de réussir dans son pays. Par exemple, quand un jeune part en Europe, c est souvent que tout le monde autour de lui s ‘est cotisé pour lui permettre de faire le voyage, je pense que cette cotisation serait plus productive pour que le jeune achète un bateau et fasse de la pêche, ou achète une voiture et fasse du transport, mais je sais que c est facile a dire, et même si je comprends les motivations de ces jeunes, je ne peux pas leur donner raison de prendre tous ces risques sans aucune assurance a l’arrivée…
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Êtes-vous satisfait de l’évolution de la musique au Sénégal ?
Oui, la musique sénégalaise est très riche, il y a plusieurs courants musicaux, le hip hop a beaucoup d ‘adeptes au Sénégal, le mbalax reste numéro 1 et nous avons des voix fabuleuses. j’aimerais qu’il y ait plus d ‘échanges entre les chanteurs internationaux et les chanteurs sénégalais. j’ai la chance de vivre cela depuis 30 ans et ça ne m’a apporté que des bonnes expériences.
Avez-vous l’impression que les traditions musicales sénégalaises sont encore suffisamment transmises au pays, aujourd’hui ?
La tradition, qu’elle soit musicale ou orale, est primordiale chez nous. elle existera toujours , les griots existeront toujours et ils transmettent la tradition de génération en génération. vous savez, quand vous écoutez ne serait ce que du rap sénégalais, il y a toujours un instrument traditionnel, ou un sample de musique traditionnelle.
Le Super Etoile a souvent été présenté comme le meilleur groupe live du monde – qu’est-ce qui, selon vous, donnait tellement d’énergie au groupe ?
Le Super Etoile est avec moi depuis 30 ans, on se connait parfaitement, c’est ce qui fait la symbiose du groupe.
Comment la rencontre avec le neveu du musicien nigérian Babatunde Olatunjcelle s’est-elle faite ?
Lors d’une tournée américaine ou mon ami Mbacke me l’a présenté à Los Angeles. Il a beaucoup aimé mon concert, et m’a demandé de faire un hommage à Babatunde, c e que j’ai essayé de faire « virtuellement » dans mon album . mais le projet ne s’arrête pas la, on doit se revoir prochainement afin de parler d’un nouveau projet, surement au nigeria, pour rendre hommage a ce grand artiste qu’était babatunde olatunji.
Sur « Birima » chante la jeune suédoise Seinabo Sey et « Hello » voit le chanteur suédois-congolais Mohombi : à travailler avec des nouveaux talents ici du monde entier, souhaitez-vous envoyer un message ?
J’aime savoir qu’en me retournant il y a plusieurs jeunes qui sont prêts à reprendre le flambeau en respectant les mêmes valeurs que moi, cela me rassure et je les encourage toujours…
Qu’apportait Habib Faye à votre musique ? Nous supposons qu’il a dû grandement vous manquer lors de l’enregistrement d’History.
Habib était mon ami, mon bassiste et mon directeur musical, nous avons travaillé ensemble pendant des années. J’ai fait quelques albums sans lui, mais nous étions en train de composer de nouvelles choses ensemble lorsque la maladie l’a emporté. c’est une grande perte pour moi, pour le Super Etoile, et pour tout le Senegal.