Avec Wasalala, Yobu Maligwa et Yosefe Kalekeni font honneur à la banjo music : un premier disque conscient, optimiste, joyeux, où cordes et harmonies donnent à goûter un peu de Malawi.
Paris-Lilongwe, 1.30pm GMT : un de ces appels longue distance où l’on se rencontre, se devine, surtout par les inflexions de la voix. Claire et enjouée chez Yobu Maligwa, conteur et pasteur vocaliste à ses heures devenu véloce joueur de babatone, imposante contrebasse à une corde bricolée main. Yosefe Kalekeni, son cadet, ponctue la discussion de sa voix rauque, bien plus taciturne ici que sur les quatre cordes de sa guitare ou qu’au tambour de pied. Au village, lui vivait de menus travaux, il gardait des vaches pour un voisin. La ligne est bonne. Régulièrement, les deux trentenaires éclatent de rire : “les journalistes nous posent beaucoup de questions, vous voulez vraiment savoir qui nous sommes !” C’est vrai. Non seulement Wasalala, premier-né signé chez l’intrépide Bongo Joe Records, révèle l’énergie brute d’un disque enregistré à l’état roots, des harmonies luxuriantes qui laissent entrevoir l’authentique complicité et la joie des deux voix qui les chantent, propulse Madalitso sur une tournée d’envergure en Europe… mais attire également l’attention sur une tradition musicale méconnue et pourtant populaire autour du lac Malawi : la banjo music.
Yobu et Yosefe sont respectivement originaires de Ntcheu et Dedza, deux bourgades tranquilles au sud-ouest du Malawi, non loin de là où l’éminent producteur californien Ian Brennan enregistrait en 2011 les cantiques des Malawi Mouse Boys – évangéliques ex-vendeurs de brochettes de souris – puis le blues des détenu.e.s de la prison centrale de Zomba en 2013.
Pendant ce temps-là, Madalitso enchante depuis dix ans déjà les rues de poussière rouge de Lilongwe, capitale postcoloniale financée par l’Afrique du Sud ségrégationniste peuplée aujourd’hui, à l’instar des deux amis, par 800 000 habitants débarqués des campagnes où le travail est aléatoire et les récoltes de thé, tabac ou maïs trop instables. Après la Seconde Guerre Mondiale, c’est d’ailleurs dans ces plantations et près des mines d’uranium qu’est née la banjo music, exutoire teinté de blues des familles d’ouvriers très populaire dans les villages grâce à des musiciens comme Alan Nakomo ou le Kuwoza River Band, avant de suivre les routes d’un exode rural massif, s’exportant dans les centres urbains dès les années 70 – allant même paraît-il jusqu’à influencer le kwela sud-africain.
“On s’est rencontré dans la rue. Au début, notre duo s’appelait Tiyese, “essayons”. Une année, on tombait tout le temps sur la même dame. Elle aimait notre musique alors on lui chantait des gospels”, se souvient Yobu. “Un jour, elle nous a dit qu’on avait suffisamment essayé, qu’il était temps de réussir et que Madalisto nous irait mieux : bénédiction en chichewa. Peu après, en 2009, on a rencontré Emmanuel.” Emmanuel Kamwenje, producteur-activiste malawite énamouré des musiques traditionnelles, les poussent en studio pour enregistrer quelques chansons mais s’ils enthousiasment les villages, “en ville, les gens préfèrent la musique moderne, la pop ou le hip-hop. Pour la majorité d’entre eux, nous ne sommes que des paysans, on représente le passé. Sauf pour quelques vedettes d’État, c’est très difficile de faire des concerts et de vivre de la musique au Malawi.”
Et c’est effectivement en quittant le pays pour la première fois en répondant à l’invitation du festival Sauti za Busara à Zanzibar en 2017 que Madalitso met le public en transe et attire l’attention de quelques musiciens européens qui les mèneraient bientôt jusqu’à Bongo Joe, le Roskilde Festival au Danemark, la BBC… Bon tirage. “Grâce à notre dernière tournée en Europe, on a pu gagner de quoi construire une maison, c’est un peu de répit. Le souci, c’est que maintenant les gens sont jaloux : ils pensent que nous sommes très riches et ils essaient de nous voler. Mais ils se font des idées. On est loin d’être des stars… même si ça nous plairait bien (rires) !” s’exclame Yobu.
Dans Wasalala, Yobu et Yosefe choisissent l’humilité et préfèrent, aux histoires de cash qui font rêver les plus jeunes, des chroniques sociales faites de quotidien, d’amour et d’un optimisme rayonnant à l’image de “Vina Vina Malawi” qui n’est autre qu’une déclaration d’amour à leur pays. Ils sont pourtant bien conscients que le tableau n’est pas rose exactement : 2e pays le plus pauvre du monde, le Malawi est souvent cité pour son taux de prévalence du sida parmi les plus élevés d’Afrique, la persécution des albinos, la découverte récente de camps d’initiation sexuelle pour jeunes filles, la corruption de sa classe politique ou encore les conséquences inquiétantes du dérèglement climatique… “La musique nous permet d’oublier les problèmes” souffle Yosefe, soudain tout près du combiné. Et Yobu de renchérir : “Et puis avec un message positif, tu peux faire évoluer les mentalités, avoir un impact durable sur les gens” comme sur “Naphiri”, où ils encouragent les femmes à ne pas subir, ni les hommes violents ni des vies qu’elles n’auraient pas choisies. Avec toute notre bénédiction.
<strong>DATES </strong>
+ L’Etrangleuse + Damily
<strong>14 JUIN @ LA DYNAMO DE BANLIEUES BLEUES, PANTIN</strong>
15-06 Fest Hey Gamin Orléans (45), 16-06 Fest Un Singe En Ete Mayenne (53), 19/06 Le Bourg Lausanne (Ch), 20-06 Fest Du Peristyle Lyon (69), 22-06 Fest Delice Perches @ Notre Dame De Mésage (38), 25-06 Cabaret Pop @ Gap (05), 27 Au 30-06 Fest Nuits Rebelles @ Brainans (39), 05-07 Fest Oasis Bizz’art Charol (26), 06/07 Fest La Pamparina Thiers (63), 12-07 Fest Jazz A Vienne @ Vienne (69), 16-07 Le K’fe Qoui Forcalquier (04)N 17-07 Scenes D’ete Moustier-Sainte-Marie (83)