Parfois associé à la nouvelle génération hip hop qui fleurit sur internet, MIKE livre son premier album studio à 19 ans après plusieurs projets remarqués. Une inscription dans l’industrie musicale qui n’a pas vocation à siphonner l’identité du rappeur. Car MIKE ne fait pas de la musique pour la notoriété : pistes expérimentales et beats erratiques sont légion sur Renaissance Man, une atmosphère compliquée à apprivoiser pour l’auditeur lambda.
La déconstruction est au fondement de l’approche artistique de MIKE. « Why I’m Here » relate de manière quasi expérimentale la lecture hoquetante d’un livre en anglais standard par une petite fille qui vivrait dans un monde dans lequel l’argot noir américain serait reconnu et utilisé à l’école. D’origine nigériane et ayant grandi en Angleterre au son du grime, le rappeur, né Michael Jordan Bonema, voit naturellement la langue de Shakespeare dans sa grande diversité.
De manière analogue, la musique de Renaissance Man claudique à dessein. Les 12 titres de l’album durent à peine trois minutes en moyenne et leurs coupures abruptes suscitent un sentiment d’inachevé, comme un livre sans ponctuation. Le vocabulaire musical est lui aussi utilisé de manière singulière, les beats relevant plus de l’exception que de la règle grammaticale. Les concepts de refrain et de couplet ne sont que très rarement explorés, permettant à MIKE de nous exposer ses réflexions ad libidum.
La solitude et la dépression sont les sujets de prédilection du jeune rappeur. Mais à la différence de cette nouvelle génération hip hop qui, en proie au même mal-être, se tournait vers l’autodestruction (cf. XXXTentacion et consorts), MIKE prône la reconstruction. Cette renaissance, elle coiffe le titre de l’album et le parachève avec « Rebirth (Outro) », tout en s’installant dans des lyrics susurrées : « We lose touch with the ones that we care for the most / We can’t afford to be away from one another / We need each other in every sense of the word » (« Goliath »). Plus qu’un album de rap, il s’agit là d’un fragment de journal intime, avec ses ratures, ses pages blanches, et une très forte intimité.
MIKE, Renaissance Man (Lex Records, 2018)