A 26 ans, la tromboniste londonienne Rosie Turton, membre du septet Nerija, sort l’EP Rosie’s 5ive dans le cadre de la série 5ive lancée par le label Jazzre:freshed. Cette première sortie en tant que leader annonce la couleur de lendemains intéressants.
Déjà très immergée dans la scène de jazz londienne, jouant aux côtés de Nubya Garcia dans le groupe Nerija et participant aux nombreux gigs de la capitale, seule ou avec son Rosie Turton Quintet, la musicienne n’a pas hésité à accepter la proposition d’un projet 5ive, soutenu par le label Jazzre:freshed, qui avait déjà accueillie la talentueuse Nubya Garcia en 2017.
Teinté d’influences de musiques indiennes, de jazz et de musique électronique, la maturité de son EP Rosie’s 5ive étonne. Les cinq pistes sont toutes composées par la musicienne – exceptée « Butterfly », une reprise audacieuse du classique d’Herbie Hancock, figure dans laquelle la tromboniste trouve partie de son inspiration. « Je me suis demandée comment j’allais pouvoir rendre différent un morceau d’Herbie Hancock ! », nous confie la musicienne. Pari réussi. Joué à l’unisson avec le violon, le thème facilement reconnaissable prend une dimension quasiment hip-hop, soutenue par le groove inlassable de la batterie tenue par Jake Long.
C’est à la suite de plusieurs voyages en Inde que les idées de ce projet naissent. La musicienne s’exprime sur la composition de « Stolen Ribs », étrange joyau totalement imprégné d’influences indiennes revendiquées : « Ce morceau est basé sur les ragas [cadre mélodique utilisé dans la musique classique indienne]. Pendant l’enregistrement, je n’ai pas réussi à me décider sur laquelle prise je voulais garder. Elles étaient toutes différentes et avaient toutes quelque chose d’incroyable. […] Mais plus j’écoutais l’ensemble, plus je me disais qu’il manquait quelque chose. J’ai donc décidé d’ajouter la voix de Luke Newman déclamant son poème par-dessus ». L’audace de la tromboniste est appréciée et l’ensemble fonctionne parfaitement.
Le violon, toujours, occupe une place centrale dans cet album. Sonorité appréciée par la tromboniste, c’est en effet sur quasiment toutes les pistes que l’on retrouve les legato de Johanna Burnheart, tenus dans l’exposition des thèmes, ou dans les solos.
Depuis la réalisation de cet EP, la jeune femme nous confie qu’elle aimerait davantage développer sa carrière en tant que leader, tout en continuant ses multiples participations en groupe. Le plus connu, Nerija, prévoit déjà de nombreux projets pour 2019. Avec Nubya Garcia, Sheila Maurice-Grey, Cassie Kinoshi, Shirley Tetteh, Inga Eichler, Lizy Exell, le groupe aux inflexions hip-hop, afro-beat et jazz remporte en 2017 le Jazz Newcomer Parliamentary.
Quasiment toutes membres du collectif Tomorrow’s Warriors où elles se rencontrent à leurs débuts, elles décident naturellement de former ce groupe. « Nous ne voulions pas faire de l’exclusivité de notre féminité un évènement, nous voulions que cela soit naturel. Il y a tellement de groupes entièrement masculin. […] On m’a souvent dit que cela donnait espoir à beaucoup de jeunes filles, et c’est vraiment positif ! ». Tomorrow’s Warriors est une organisation ayant pour but de mettre en relation artistes et lieux, institutions de diffusions de jazz – il aide d’ailleurs principalement les artistes émergents issus de la diaspora africaine et les jeunes musiciennes aux avenirs musicaux assurés, en Angleterre et à l’international. Avant Rosie Turton, Zara McFarlane, Moses Boyd et d’autres y avaient fait leurs premiers pas.
Rosie Turton s’inspire aussi bien d’Alice Coltrane, de Madlib, de Debussy ou encore de Pharoah Sanders – qu’elle a pu accompagner l’été dernier avec son Rosie Turton Quintet. Un jeu coloré et une énergie nouvelle qui feront certainement de Rosie Turton une des futures références de la scène jazz londonienne.
Rosie Turton, Rosie’s 5ive (Jazz Re:freshed)