Qwest-TV-Roy-Ayers-Silver-Vibrations

Que Dieu bénisse les Britanniques pour leur adoration du rythme et du blues américains. Sans leurs fans enragés, nous n'aurions pas les Beatles, les Stones, les Kinks, les Who, les Led Zeppelin et d'innombrables autres groupes construits sur le dos d'innovateurs afro américains, de Robert Johnson à Bo Diddley. Et nous n'aurions pas non plus cet album essentiel de Roy Ayers de 1983, réédité par le label londonien BBE Records.

Roy Ayers est une légende vivante de la musique populaire du 20ème siècle dont le travail est difficilement contenu par les balises du jazz, de la soul, du funk ou de la dance, car il se déplace de manière fluide entre ces styles, allant même parfois vers la chanson. Contrairement à son contemporain Herbie Hancock, Ayers n’a jamais eu connu de succès au croisement des genres, du moins pas aux États-Unis, mais son âge d’or – le jazz funky et cosmique du début des années 70 au début des années 80 – l’a amené aux sommets de sa catégorie, malgré les nombreux prétendants, et armé d’un vibraphone !

Silver Vibrations, sorti uniquement au Royaume-Uni en 1983, est sans doute le dernier classique d’Ayers issu d’une lignée de disques organiques, analogiques et funky commencée en 1970 avec le premier de douze albums enregistrés en leader pour le label Polydor. Sorti sur Uno Melodic, le label de Roy Ayers, après avoir quitté Polydor et signé avec Columbia Records, Silver Vibrations contient quelques-unes des mêmes chansons que celles publiées sur la sortie exclusivement américaine Lots of Love (également publié sur Uno Melodic) la même année.  Mais certaines apparaissent ici dans une version étendue (« Chicago », « Lots of Love » et « DC City »).

Malgré l’enregistrement et la sortie, sous son propre nom, d’une quantité de musique sans précédent, ou pour d’autres artistes tels que Fela Anikulapo Kuti, Sylvia Striplin, Eighties Ladies et RAMP, dans son pays natal, le mélange de jazz, de funk, de disco et de proto-house de Roy Ayers n’a pas réellement attiré l’attention du public en dehors de Washington City, appelée la « ville chocolat », ville à laquelle il rend un hommage positif dans « D.C City », le morceau préféré de ses fans.  La réaction anti-disco était beaucoup moins brutale au Royaume-Uni, où les DJ et les danseurs de jazz recevait chaque de ses sorties avec la même envie, faisant de lui une influence majeure de la scène « Acid Jazz » de la fin des années 80 et des années 90.

C’est pourquoi nous devons remercier les fans britanniques de l’existence et de la nouvelle réédition de Silver Vibrations  : ils ont largement facilité l’écoute de certaines des meilleures chansons de sa phase Uno Melodic. Outre les versions étendues de « Chicago » (qui occupe tout le côté A de la version double LP) et « D.C. City », le vrai régal ici est le futur disco-funk de « Good Good Music » et son groove proto-house bohanon-esque qui reprend le rythme sur lequel son hymnesque « Running Away » (1978) s’était arrêté. La chanson titre affiche le rythme persistant, le groove angulaire et les synthés rythmés du Roy Ayers des années 80 ; et comprend l’un des meilleurs solos de l’album. Quant au don d’Ayers pour la mélodie et les ballades romantiques, on les retrouve sur « Lots of Love » et « Smiling With Your Eyes ».

 

Toute la force d’Ayers réside dans son talent pour la création d’une piste rythmique contagieuse assez simple pour engager les hanches et les pieds, tout en servant de backbeat toujours changeant et dansant, propice à l’exploration mélodique, lyrique et rythmique.

« Je suis très bon pour entrer en studio et faire spontanément un groove », a déclaré Roy à Zaid, journaliste de Wax Poetics. « Beaucoup de gens ont besoin de plus de temps parce que c’est comme ça qu’ils procèdent, mais moi je suis rapide, je peux pondre quelque chose en quinze minutes » ! [1] James Mason, guitariste de session et soliste dans son propre rite, qui avait d’abord rejoint Ayers pour quelques sessions en studio, avant de devenir membre à part entière de son groupe en 1977, a déclaré à propos du talent du leader du groupe pour le groove : « L’une des grandes leçons que j’ai tirées de mon travail avec Roy, a été de comprendre la puissance des pistes rythmiques. De manière générale, parmi les musiciens qui travaillaient avec Roy à l’époque, la prise préférée était celle dédiée à la prise des rythmes. Nous n’écoutions que les pistes rythmiques ! Nous chérissions ces morceaux pour leur ouverture ; il y a un sens de la motivation très attirant dans le rythme quand il est à l’état pur. Et sans ça, nous ne finissions pas le morceau, car il n’y avait rien. »[2]

Roy Ayers a toujours eu la capacité d’apprivoiser les rythmes sauvages ; mais il est aussi l’un des rares musiciens des débuts du jazz acoustique à l’avoir tué de façon artistique et critique avec l’avènement des « années disco ». Le disco et la célébration de ses hits par la danse était pour Ayers le meilleur endroit pour mettre en valeur sa plus grande force, le groove. En pressant Silver Vibrations sous la forme d’un double album, BBE rend hommage à cette évidence. En accordant à « Chicago » toute la face A, le label devrait faire saliver les djs. Puisqu’il est difficile d’égaler la tracklist de Lots of Love, le versant américain de cet album, il faut voir Silver Vibrations comme sa suite, avec des extensions de certains de vos morceaux préférés de LOL  : l’album est la dernière sortie de la meilleure et de la plus groove des périodes de Roy Ayers.

[1] Zaid, “Roy Ayers : Music Of Many Colors”, Wax Poetics, Issue 7

[2] Author’s 2015 phone interview with James Mason


Roy Ayers, Silver Vibrations (BBE Records)

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