Exclusivité Qwest TV : Extrait et histoire d'un concert inédit de Charles Mingus qui sera publié par le label BBE Records au mois de Novembre. Véritable événement discographique de plus de quatre heures de musique enregistrée à Détroit.
Au moins trois inédits de cadors ont été tirés de l’oubli qui les guettait cette année, dont un sorti (Coltrane) un autre annoncé et à paraître en septembre (Monk à Copenhague, en 1963) et un dernier que nous vous révélons ici : Charles Mingus à la Strata Concert Gallery en 1973.
Le gros coup est signé BBE, label britannique habitué des rééditions, qui est cette fois tombé sur l’inédit d’une légende ; rien d’autre que le saint-graal pour un éditeur indépendant qui a l’opportunité de réunir le business (vendre de nombreux disques) et la fierté du passionné. A l’été 2017, Barbara Cox, la patronne du label Strata Records, fit le lien entre le collectionneur new yorkais Amir Abdullah, du duo Kon & Amir et Hermine Brooks, la veuve de Roy Brooks, batteur sur cet enregistrement.
A Detroit, en plein hiver, Charles Mingus sortit d’une semaine de résidence dans le nid de Strata Records avec un concert en quintet dans leur galerie. Label qui ne publia qu’une dizaine d’albums devenus très recherchés et dont Amir Abdullah s’attache depuis quelques années à rééditer les pépites ! Parmi ces grooves très seventies, on trouve Bert Myrick, The Contemporary Jazz Quintet ou la Lyman Woodward Organization. Mais nulle trace de Charles Mingus. Avec ce concert, nous saurons que leurs chemins s’étaient croisés. A ce moment là, Mingus était déjà Mingus depuis une quinzaine d’années : ce contrebassiste révolté auteur d’une œuvre majeure et respectée. Ses classiques étaient sortis, dont Let My Children hear music l’année précédente, album dont il confiera plus tard être le préféré de sa carrière.
L’arrivée inopinée de ce concert inédit enregistré à Detroit est d’autant plus savoureuse qu’il est magistral, dans la tradition survoltée que l’on connaît de l’œuvre de Mingus, avec des solistes en feu pour l’incarner : Don Pullen (piano), John Stubbelfield (saxophone) et Joe Gardner (Trompette). Par l’intensité de ses accords plaqués et son jeu percussif, le premier fait par moments penser au McCoy Tyner de John Coltrane. Dans ce quintet, il est tout au long du concert une voix inspirée et centrale dans la narration : dans la version tortueuse et plus enflammée que l’originale du tout puissant « Pithecanthropus Erectus » – qui critique la nature de l’humanité esclavagiste – comme dans « Orange was the color of her dress, then blue silk » ou l’envoûtante et peu connue ballade « Dizzy Profile » (quel solo !) plutôt menée par les soufflants.
De Mingus, on retrouve les qualités qui ont fait sa renommée : la puissance des compositions (elles sont presques toutes de lui), l’énergie déployée, l’aisance dans l’écriture des mélodies et le flirt avec le free. Moins la dimension orchestrale et plus écrite de ses plus grands enregistrements en studio. Sur la scène de la Strata Concert Gallery, à Détroit, l’accent a été mis sur l’improvisation et le déploiement du jeu dans des morceaux qui avoisinent en moyenne le quart d’heure. Conséquent, ce concert a aussi été enregistré dans une proximité qui, comme le dit Amir, nous « donne l’impression d’y être » : « Vous pouvez clairement entendre les membres du public fredonner, criant leurs éloges au groupe et leurs conversations secondaires si vivement. Vous pouvez sentir la présence de Mingus comme si vous étiez dans la pièce juste à côté de lui et du groupe. Les plaisanteries animées entre Mingus et le groupe (et parfois avec le public) donnent à l’auditeur une place au premier rang du spectacle »
Charles Mingus, Jazz in Detroit/Strata Concert Gallery/46 Selden (BBE/Differ-Ant)
A paraître le 2 novembre 2018.
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