De la library music à la beat music, Charif Megarbane dresse avec le Cosmic Analog Ensemble l’axe majeur d’une œuvre prolixe. Entre thèmes simples et airs entêtants, se dessine une pop plus humaine, voyageuse et Do It Yourself qui doit beaucoup au son des années 70.

Le Cosmic Analog Ensemble est une énigme à résoudre sitôt que l’on se penche dessus. L’oeuvre d’un seul homme qui n’est installé nulle part. De telle sorte que ce prétendu groupe amoureux de la nostalgie heureuse du cinéma européen des années 70 devient un objet de curiosité. Pour la library Music – musique composée et enregistrée à blanc pour servir plus tard à des films, publicité et émissions télévisées – les compositeurs signaient leurs travaux de multiples noms, pas toujours fiers de s’adonner à ce travail alimentaire qu’ils considéraient néanmoins comme un espace de jeu. Charif Megarbane, chantre du one-man band psychédélique pétri de funk, d’afrobeat et de groove orientaux qu’est le Cosmic Analog Ensemble, a pris à bras le corps cette culture du quasi-anonymat. Derrière sa trentaine de surnoms, il publie des projets qui explorent chacun leur propre histoire. Et, chaque fois, se prête brillamment à l’exercice de style.

Room recording

Forcément, le personnage intrigue tant il diffère de la typologie des musiciens de carrière d’aujourd’hui. Charif Megarbane a son petit studio portatif construit avec le temps, la place disponible et l’argent. Une batterie du plus simple effet, quelques claviers, des guitares et du matériel MIDI pour étendre les possibilités soniques et créer des boucles. Il ne se déplace jamais sans ses jouets. Du Liban à Montréal, du Kenya au Portugal, il s’adonne à sa passion avec la même ferveur qui l’occupe depuis l’enfance : chaque soir, jouer, s’enregistrer et jouer à Dieu en créant son univers. “C’est vraiment génial, parce que tu n’as besoin de personne d’autre. C’est une forme de méditation, tu n’as pas besoin de parler.”

Véritable geek en pâte une fois qu’il se trouve dans sa salle de jeu, le libanais d’origine est capable d’enregistrer un album entier avec le micro de son ordinateur (Bala Kahraba). Et tant pis pour la perfection, quand créer devient une nécessité pour le démiurge. Entre 70 et 90 albums forment une œuvre – sortie en digital sur son label Hisstology, qui va de la library music des années 70 à la beat music des années 2000, dont il adore le côté collage. Et pourtant, le musicien jure trier sur le volet ce qu’il déploie au grand jour. « Pour Une Vie Cent détours, j’ai envoyé au moins 100 morceaux à Orlando du label My Bags et ensuite nous avons choisi. Et il ne s’agissait pas de prendre les meilleurs, mais ceux qui vont bien ensemble ! 

Do It Yourself jusqu’au bout des gestes, lui, l’autodidacte sur qui le temps a fait son œuvre, Charif Megarbane est le seul maître à bord. Et une seule envie l’habite quand il a fini : se plonger dans l’album suivant. Pour définir ses projets les plus rapides, le démiurge parle d’albums micro-onde qui n’ont pas la fadeur du plat réchauffé mais la saveur d’une cuisine incarnée et quotidienne, fruit d’un passe temps ludique de féru de musique. «  Des fois c’est comme faire des mots croisés, tu commences par un truc, puis tu en trouves un autre. J’ai commencé à 8-10 ans. J’avais ramené un enregistreur cassette compacte, très facile à utiliser, d’une colonie de vacances en Angleterre. On pouvait utiliser deux cassettes, et donc enregistrer 4 couches ! Depuis ce jour je fais de la musique tous les soirs, plutôt que de faire du skateboard.  »

Grooves d’un autre temps

Il y a la maîtrise pratique, le goût des bonnes intuitions et la capacité à raconter des histoires, avec toujours à l’esprit, l’idée qu’un album forme un univers clos. Citant Francois de Roubaix, Vladimir Cosma comme Madlib, J Dilla ou David Axelrod, Charif Megarbane s’est, en partie inconsciemment, constitué un champ d’action dans lequel il avance depuis bien longtemps avec des idées visiblement claires sur ce qui colle à ses explorations. Comme le fait d’être seul maître à bord et à tous les postes : “Jacques Thollot [batteur et multi-instrumentiste français] est mon idole ! Il a enregistré Quand le son devient aigu la girafe… tout seul ! Il y a le morceau en hommage à Don Cherry. Et là il n’y a ni métronome, ni rien. Il n’avait pas d’ordinateur le mec, mais juste 5-6 pistes. Tu l’écoutes et après 20 fois tu ne comprends toujours pas par quoi il a commencé. Et il n’avait pas un quadrillage copier-coller. Tu entends les grincements, les petites fausses notes. Ca c’est à tomber par terre.

Construits soit par « une même émotion, une trame narrative où tout bouge autour d’une même orchestration, de mêmes instruments ou de même thème » ; soit « par le contraire, une mosaïque de différentes atmosphères, où tu passes d’une chambre à l’autre, d’une scène à l’autre », et ressemblant à « du montage cinématographique » les œuvres du Cosmic Analogue Ensemble emportent l’auditeur dans des voyages engageants où les changements d’atmosphères se succèdent en des fragments de vie.


Lire les soundtracks préférées de Charif Megarbane


Cosmic Analog Ensemble, Une vie cent détours (My Bags)

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