Installé en France, le Malgache est l'ambassadeur d'une musique de transe, où les guitares électriques rencontrent les percussions en peau de zébu. Dormir ? Jamais !
Posée au bord du canal du Mozambique, au sud-ouest de Madagascar, Tuléar est écrasée de chaleur. Mais sa torpeur est trompeuse. La devise « Toliara tsy miroro » indique que Tuléar ne dort jamais. La faute en revient aux haut-parleurs à pavillon Bouyer qui, nuit et jour aux quatre coins de la ville, crachent les riffs de guitare électrique du tsapiky, bande-son des cérémonies rituelles.
Damily vit aujourd’hui dans un environnement autrement calme, à Angers où il est installé depuis dix-sept ans avec son épouse française. Mais le tsapiky coule toujours dans ses veines. « C’est ma culture, dit-il. J’ai quitté Madagascar à l’âge de 30 ans et, même si je ne rentre que rarement au pays, je continue de défendre cette musique unique au monde. » Lui est né en 1968 à Tonbogory, une bourgade au sud de Tuléar, baignée par le fleuve Onilahy, où trois options se présentent aux hommes : cultivateur, pêcheur ou musicien. Pour Damily, la question ne s’est pas posée depuis que sa mère lui confectionna une guitare à trois cordes, sculptée dans un bois de la forêt alentour, alors qu’il était encore un jeune enfant, avec son frère Rapako qui est toujours le bassiste de son groupe. « C’est ainsi que nous passions le temps, pendant que ma mère était à la pêche. Nous nous bercions nous-mêmes. » A une époque – celle de la malgachisation – où il ne parle pas encore français, le jeune homme conçoit la guitare comme un passe-temps, jusqu’à ce que sa dextérité lui ouvre des perspectives nouvelles. Bientôt, sa réputation essaimera dans la brousse, et on fera appel à lui.
Musique festive à quatre temps, le tsapiky est organisé en trois phases : une introduction chantée, une cadence rapide pour déchaîner les danseurs (seuls ou en couple), puis une décélération destinée à ce qu’ils reprennent leur souffle – les phases deux et trois pouvant ensuite se répéter ad lib. Même s’il a innové en sortant des albums acoustiques, même s’il joue désormais sur une Telecaster plutôt que sur une guitare bricolée, Damily reste profondément ancré dans cette tradition qu’il s’efforce de restituer dans sa forme originelle, jusque dans le studio où il reproduit les sons saturés au moyen des mêmes haut-parleurs ancestraux.
Son douzième album, Valimbilo, a été enregistré en analogique par David Odlum, ingénieur du son pour Tinariwen notamment, dont la production de précision ne dénature pas le caractère rustique de l’instrumentation. Soit huit titres totalement étourdissants, qui racontent comment les grigris interviennent dans les querelles de voisinage, comment un homme a perdu la boule après le vol de ses zébus, ou comment la misère est mère de violence. « La pauvreté touche 90 % de la population malgache », rappelle Damily, au sujet de la Grande île dont la culture constitue la principale richesse. « Tant qu’il y aura des cérémonies, il y aura du tsapiky, rassure le guitariste. De plus en plus de jeunes musiciens le pratiquent, parce que c’est un moyen de gagner leur vie, et il n’est pas rare de rencontrer plusieurs groupes dans un même village. »
Damily rêve désormais de présenter Valimbilo chez lui, à Madagascar, tout en endossant volontiers le costume d’ambassadeur international du tsapiky. Pour guérir ou pour faire la fête, on aura besoin de lui.
Damily, Valimbilo (Bongo Joe)
- 09.11.2018 – Le Chabada, Angers, France
- 22.11.2018 – La Bobine, Grenoble, France
- 23.11.2018 – Festival Plumes d’Afrique/Temps machine, Tours, France
- 30.11.2018 – Festival Face Z, Genève, Switzerland
- 01.12.2018 – Folkwelt, Chambéry, France