Né à Belém mais installé à São Paulo, le guitariste-chanteur présente son quatrième album, Avante Delírio. Une ode au positivisme, dans un pays qui voudrait bien retrouver le sourire.

Alors que l’élection d’un président d’extrême droite a exacerbé les tensions qui écartèlent la société brésilienne, Saulo Duarte sort un album à contre-courant des nuages qui s’amoncèlent : la musique solaire d’Avante Delírio réchauffe le vent glacial soufflé par Jair Bolsonaro depuis son intronisation le 1er janvier dernier. Collaborateur d’artistes aussi engagés que Russo Passapusso (BaianaSystem) ou Anelis Assumpção, le guitariste et chanteur assume de positiver quand ses collègues expriment inquiétude et indignation : « Aujourd’hui plus que jamais, il est important de proposer, aussi, une musique qui aide les gens à surmonter les difficultés, justifie Saulo Duarte. Durant les trois minutes que dure la chanson, l’auditeur peut s’aérer l’esprit, sourire, danser. Je veux travailler dans le sens de Bob Marley, l’une de mes grandes influences, qui prenait des positions politiques tout en louant la paix, la solidarité, l’amitié et l’amour. Dans “Concrete Jungle”, il chante : “No sun will shine in my day today.” Mais ce n’est pas une lamentation. Sa voix est puissante et il nous dit de nous lever, de nous battre pour nos droits, et pourquoi pas de le faire en dansant. C’est aussi mon idée. »

« Je suis comme un tzigane, un gitan », image Saulo Duarte pour décrire son existence nomade, dont les étapes furent autant de sources pour son inspiration. Natif de Belém do Pará, la porte de l’entrée de l’Amazonie sur la côte Atlantique, il se souvient du soleil brûlant, de la solidarité entre habitants, des fruits tropicaux, de la générosité des banquets : « Ma musique est comme ça. » Son grand-père, qui jouait de la guitare en amateur, l’a initié aux traditions du nord du Brésil, irriguées par les musiques latines charriées par le fleuve, et caribéennes arrivées par la mer : le carimbó de Pinduca et la guitarrada de Mestre Vieira et Aldo Sena, mais aussi cumbia, merengue, zouk, etc.

« J’ai débuté la guitare acoustique en autodidacte, rembobine-t-il. J’avais 12 ans et je m’entrainais sur les chansons populaires de Gilberto Gil et Caetano Veloso, ou sur le rock brésilien des années 1980 : Legião Urbana, Titãs, Engenheiros do Hawaii… Se sont ajoutées les musiques du Nordeste, quand nous avons déménagé à Fortaleza, la ville de mon père ; puis, celles du Minas Gerais quand nous nous sommes installés à Belo Horizonte, la ville de ma mère. Sans rien connaître des théories de la composition, j’ai digéré toutes ces influences pour produire une musique qui me ressemble et dont les textes expriment ce que je suis, ce que je veux. »

Depuis une dizaine d’années, Saulo Duarte habite à São Paulo. La mégalopole cosmopolite forme l’épicentre de l’industrie musicale brésilienne, ainsi que le poumon – contemporain et urbain – de son incessante créativité. Mais il s’est reconnecté à Belém, en 2011, lors d’un séjour déterminant : « J’ai retrouvé les gens, retrouvé les disques et compris que mes racines sont là, particulièrement dans la relation – cruciale dans ma musique – entre les Indiens d’Amazonie et les Noirs déportés d’Afrique. »

Cet héritage imprégnait Quente (2014), deuxième album de Saulo Duarte e A Unidade, formation avec laquelle il s’est fait connaître. Le suivant, Cine Ruptura (2016), était un disque plus sombre, alors que la procédure de destitution de la présidente Dilma Rousseff annonçait le désastre actuel. Le changement de cap est d’autant plus radical pour Saulo Duarte, qui s’est donc émancipé de A Unidade pour avancer désormais en solo. Produit par Curumin et Zé Nigro, et marqué par la participation de Marcelo Jeneci sur plusieurs titres, exprime donc le positivisme d’un artiste « de nulle part et de partout »  : « Les gens de Belém disent que je suis de Fortaleza, ceux de Fortaleza disent que je suis de São Paulo et ceux de São Paulo disent que je suis de Belém. J’ai tout le Brésil en moi et c’est pour cette raison que je peux jouer, sur le même album, un samba-reggae, un forró et un carimbó. »

Même si une chanson comme « Praça de guerra » exprime les inquiétudes de Saulo Duarte face à la violence des sociétés capitalistes et globalisées, il règne globalement un soleil radieux sur Avante Delírio, dont la chanson-titre est une incitation au lâcher-prise. « Le texte m’a été inspiré par un rêve très coloré, où je me voyais enfant, raconte l’auteur. Quand je me suis réveillé, j’ai essayé de traduire la rencontre du Saulo enfant et du Saulo adulte qui se disaient : « Bats-toi, crois en toi, positive et tu atteindras tes objectifs. » L’artiste est visiblement radieux. Puisque ça marche sur lui, écoutez sa musique : elle fonctionnera peut-être sur vous.


Saulo Duarte, Avante Delírio (Sterns Music)

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